Robert Erwin Howard écrit :
« Le jour était triste et accablant. Le vent gémissait et le mouvement perpétuel et monotone de la mer évoquait le chagrin que porte l’homme dans son coeur ».
Aujourd’hui, pour nous ici réunis, pour toi, c’est ce crépuscule qui est triste et accablant.
Dans la nuit de mardi à mercredi, tu as appareillé discrètement pour ta dernière grande traversée. Tu as quitté nos quais, si douloureux pour toi depuis quelques mois. Tu as délaissé cette vie qui n’a jamais été un long fleuve tranquille pour l’éternel Océan de la Nuit et de la paix.
De 14 à 55 ans, tu as sillonné toutes les mers du globe.
Les lointaines d’abord, puis la Méditerranée longuement.
De mousse à Maître-d’hôtel du Commandant, tu as toujours souligné avec fierté que tu as été le plus jeune premier barman des mythiques Messageries Maritimes. Sans doute as-tu croisé Louis Brauquier, le poète.
Tout en élégance naturelle, tu étais grand, tu était beau. Tu ne sentais pas le sable chaud sous ta moustache fringante, éclairée de tes yeux bleus. Non, tu sentais l’iode lorsque tu débarquais. Mais rapidement, tu sentais l’air plus vif et plus piquant de la montagne. Rapidement, tu nous emmenais au Collet d’Ancelle où tu ne cessais de nous répéter « respire ! Respire !» à grandes goulées d’air frais avant d’aller ramasser les escargots…
Homme de la mer par nécessité, tu étais au fond et profondément un homme de la terre.
Un homme de la terre qui, jusqu’à cette nuit définitive, ne savait jamais s’arrêter.
Comment résumer en si peu de temps ce mouvement constant qui t’animait ?
Cet élan constant que rien tant n’a brisé… que le Temps. Que tes derniers temps.
Tu étais toujours à faire et à faire en sorte de faire.
Toujours à rendre service aussi, à tout le monde. Quelle que soit l’heure, le temps, ou le coût.
Servir. Être au service des autres, avec générosité, avec le sourire, toujours avec le mot pour rire t’était une seconde nature. Sous laquelle rejaillissait souvent une espièglerie première, acidulée.
Tu te moquais des oublieux, de la fatigue…
Et, finalement, tu étais toujours sur le pont !
Y compris pour mon frère et moi.
Quelle anecdote choisir ?
Laquelle privilégier pour perpétuer justement ton souvenir. Tu étais à toi tout seul une anthologie pittoresque.
Mais plutôt que d’aller vers le drôle, si nous allions te retrouver vers le tendre et l’émouvant…
Vers tout ce temps que tu as passé avec tes deux petites-filles, Stéphanie et Constance,
Vers toute cette énergie, et il en fallait, que tu as dépensé sans compter pour les amuser, pour les aider et pour les aimer.
Sans oublier Lésia, avec laquelle tu auras eu malheureusement moins de temps.

Oui, si avec Alberte ton épouse et avec Thierry mon frère qui t’ont accompagné si bellement jusqu’à la fin, avec Stéphanie, Constance et Lésia, et avec tous les gens qui t’ont aimé et apprécié, si nous gardions de toi, tes yeux bleus, ta moustache frétillante, ton élégance d’éternel jeune-homme et ton espièglerie d’enfant…
Comment on dit déjà ?
« Au revoir, là-haut » ou, peut-être, à la prochaine éternelle escale…
Au revoir Papa.
I. M. Jean Foveau (1935-2023).