Avec son roman « Ravage », édité chez Paulsen – un éditeur branché « Grands Dehors », comme on dit chez les Mountain Men de la plume -, Ian Manook réussit un coup de force dans un genre dont on prétend que les Américains sont les seuls maîtres.
Encore un, me direz-vous !
Je ferai court, pour ce magnifique « Nature Writing ».
Autant réservez votre temps d’hiver à lire ce bouquin, sous la couette, dans l’ambiance de saison.
Bref : sous la houlette de la police canadienne, dans l’implacable hiver 1931-1932, une bande de trappeurs, appâtés par la prime, se lance à la poursuite d’un des leurs, récemment arrivé dans ces parages gelés et qu’on prétend « tueur fou ».
La traque s’affole dans la neige, les tempêtes et le blizzard après un individu dont on ne sait rien… Si ce n’est qu’il tire vite et bien. Et qu’il est encore plus habile à brouiller les pistes qu’à les suivre.

Les conditions de survie sont extrêmes. Surtout pour un homme seul qui n’a pas le droit de s’arrêter. Sinon, ce sera l’hallali.
C’est toute l’habileté de Manook de nous précipiter dans un désir aussi effréné que celui des traqueurs vindicatifs de cette chasse à mort. Pas dans celui de la curée pour nous. Mais dans le désir haletant de rencontrer ce Jones avant eux et d’enfin savoir qui il est et pourquoi.
Soulignons au passage, la puissante simplicité avec laquelle Manook nous plonge dans cette poursuite. Le glaçant réalisme des paysages dans cette nature sans merci, campée en ogresse blanche. Sans oublier la richesse de la faune. La précision des détails de la vie quotidienne, que ce soit en cuisine ou à pousser un attelage de chiens. La vérité émouvante ou odieuse de chacun des personnages et de leurs interactions. Le magnétisme de ce fantôme qui paraît mener cette danse de deuil, animée par de sinistres humains s’arrogeant l’adjectif « civilisé » pour eux seuls.
De la littérature blanche donc, de neige et de gel, de fureur et d’immensité.
À s’offrir et à offrir.
PS : Juste pour les cinéphiles qui plongent leurs références un peu plus loin que « The Revenant » (2015), le texte évoquera forcément le mythique « Chasse à mort » (Death Hunt, de Peter Hunt, 1981) avec Charles Bronson, Lee Marvin et Angie Dickinson, d’ailleurs inspiré de la même « histoire vraie ».
Il y a aussi un peu de « La dernière chasse » (The Last Hunt, de Richard Brooks, en 1956 avec Robert Taylor, Stewart Granger et Debra Paget).
On pense aussi au « Convoi sauvage » de Richard C. Sarafian, (Man in the wilderness, 1971 avec Richard Harris et John Huston), lui aussi inspiré d’une histoire vraie.
Ces deux deniers opus ont considérablement « inspiré » Iñárritu pour son revenant, même s’il a toujours démenti l’évidence pour qui connaît les deux longs-métrages.
© Georges Foveau – Octobre 2023