Nature Writing référencé…
De bons débuts… pour l’été 2023 : 1/5
Un petit défi estival.
Présenter juste le début d’une fiction.
Si quelque lectrice ou lecteur s’attarde sur ces prémices et selon leur avis, peut-être que…
Bonne lecture.
Ils ne doutaient plus, désormais, que leur guide savait bien où il allait et où il les menait.
Ils leur restaient à se rassurer : était-ce bien là qu’ils désiraient aller, eux ?
Debout devant l’obscure bouche avide de cette grotte, après 3 jours de marche quasi forcée dans une forêt humide et froide. Hostile jusque dans ses murmures. Seuls, avec ce rustre brusque et silencieux aux accents suspects, ils finissaient par se demander si, en fait de tombe, ce n’était pas la leur qu’ils avaient creusée.
Loin de l’été indien incandescent des érables, plus bas, les grands conifères sombres obscurcissaient un ciel constamment en berne. Ils s’ourlaient de filaments arachnéens, de mousses et de fougères. Sinistres décorums qui frémissaient en crêpes deuil.
Seul, sous sa brosse agressive, Roger Stünberg gardait sa morgue et son aplomb de Directeur exécutif de la grande « McPherson Inc. », dont le siège se juchait dans un des quartiers les plus prestigieux de la Grande Pomme. Il devenait même un plus autoritaire et agressif à force d’approcher du but endeuillé.
Devant cette bouche béante promettant l’oubli de l’enfer, après leur purgatoire pédestre, Paul et Miranda se serrèrent l’un contre l’autre. La revêche Sofia laissa échapper un hoquet de sanglot, inattendu de sa part. Incrédule, Paul jeta un coup d’œil à sa sœur éthique et urticante. Pathétique, elle le laissait finalement aussi froid que quand elle l’agressait… Il serra un peu plus fort Miranda. Son chagrin pour ses parents supplantait ses craintes.
Pour la première fois depuis leur première rencontre sur commande, leur guide respecta leur immobilité superstitieuse. Droit comme un piquet marquant le début de la fin, à l’entrée de ce passage inquiétant, silencieux comme presque toujours, déterminé sans que ses clients ne sachent vraiment à quoi… Plus minéral encore que l’énorme rocher où béait cette gueule de ténèbres, il restait aussi impénétrable et antipathique que le premier soir…
Ce fut Stürnberg, impatient et vindicatif, qui mit fin à la longue attente morne :
– Bon, on y va !

L’espèce de saloon-auberge dévergondée en plein cœur des bois flirtait avec la frontière canadienne. Mais elle se dressait encore sur le territoire américain. Ils y avaient rendez-vous avec leur guide.
Lorsqu’ils entrèrent dans l’établissement tapissé d’une fumée épaisse aux relents de friture lointaine, Paul Swenson, sa compagne Miranda Welch et Sofia la jeune sœur de Paul se prirent une claque à remonter le temps. Seul leur chaperon, musclé et déterminé, parut ne pas marquer le pas de porte. Roger Stürnberg avait l’habitude de tout affronter, avec la certitude de sortir vainqueur. C’est lui qui avait monté cette expédition à la demande de Paul. Demande qu’il avait suscitée assez finement, sans avoir besoin d’un zèle particulier. Paul n’attendait que cela. Mais il ne se sentait pas la carrure de l’organiser.
Pour Roger, c’était dans ses cordes. Même si Paul n’avait pas compris pourquoi Roger avait aussi prévenu Sofia et l’avait mis devant le fait accompli, sur la piste du départ, juste devant le petit avion qui devait les mener jusqu’au Humer qui les mènerait au cœur de la forêt d’où commencerait la recherche des disparus.
Sous la poussée morale de Roger, ils avancèrent dans cette salle terriblement enfumée malgré les lois en vigueur, terriblement bruyante. Un tonnerre constant ne cessait de tourner sous le plafond invisible, brouhaha de rogomme composé des conversations, exclamations, cris, rires, colères et piaillements d’un vieux jukebox, dans un coin.
Les dégaines viriles ou féminines des convives carrelaient sur les chemises leurs occupations forestières, les fessiers engoncés dans des jeans ou flottant dans des salopettes…
Accrochée au bras de Paul comme à une arme de défense, Miranda se figea un instant devant une table ou deux hommes buvaient fort ! Sidérée, elle murmura à l’oreille de Paul
– Jim Harrison…
– Quoi ? Cracha bas Paul, inquiet.
– Jim Harrison, on dirait Jim Harrison… et peut-être Crumley… siffla Miranda entre doute et émerveillement.
Ne comprenant pas de quoi parlait Miranda mais s’avisant que les deux hommes avaient cessé de parler pour la détailler, Paul haussa les épaules et avança vivement vers le comptoir, entre les tables grinçantes de récits de chasse, de pêche et de superstitions indiennes…
(…)
Post-Scriptum : Projet imaginé et scénarisé fin mars 2021, durant 2 randonnées Barrage de Bimont – Barrage Zola – Bibémus – Barrage Bimont d’où sans doute les vieilles réminiscences de « Cactus » Edward Abbey, de « Big » Jim Harrison avec un zeste croustillant de Crumley. Un début écrit à la clef à molette…
© Georges FOVEAU – Mai-juillet 2023