Lecture : Consommer ?

« Édition limitée » !

La première fois que j’ai lu cette expression hautement bibliophilique sur un emballage de yaourts bifiduliques, un frisson me glaça l’échine.
Non que me gagnait le froid des banques réfrigérées en doubles théories morbides d’arômes fallacieux. Mais plutôt assailli par la rigueur d’un mauvais pressentiment. Je ne pus m’empêcher de m’inquiéter :
– Si les grosses machines de l’industrie agro-alimentaire s’approprient le vocabulaire de l’édition, celle-ci ne va pas tarder nous proposer du yaourt insipide, à consommer très rapidement avant la date précoce de péremption…

Car je dois confesser que je préfère les livres aux yaourts. Mais nul n’est parfait.

Cette manière d’appropriation culturelle, selon une expression à la mode qui m’exaspère en littérature (j’y reviendrai…), m’adressait un clin d’œil de Cassandre dans les cendres consuméristes.

Quid aujourd’hui de « ce qu’il faut lire » ?

Rentrées littéraires à double canon d’un fusil à pompe qui éjaculent leurs cartouches commerciales à grand renforts :
– de premiers romans d’auteurs géniaux qui en publieront rarement second,
– de romans de « société » sur des sujets humainement brûlant complètement éculés l’année écoulée,
– et remplacés par d’autres sujets tout aussi brûlants, défendus par la plate plume avide d’autres héros en lignes de causes oubliées par les suivantes,
– ou déjà érodées, sur dees sujets récurrents, abordés à chaque marée éditoriale par de poignants romans tiroir-caisse sans façon…

Yaourts rutilants sous les symphonies orchestrées en médias majeurs et mineurs, que les publics soient jeunes ou moins jeunes, de mauvais genres ou de la plus belle page blanche…
Blanche comme la pâte un peu fade, toujours uniforme, du yaourt.

Presque honteux, je confesse que depuis quelques temps, et malgré mes efforts précédents, je cède de moins en moins aux sirènes à consommer.
Je picore de ces livres, d’ici ou d’ailleurs, où il y a des histoires, des mots, des phrases, des styles. Qu’importe qu’ils aient 1, 2 ou 15 ans…

Voire plus.


Voire ?
Je relis !
Blasphème obscène qui offense le consumérisme à la page.
Et toujours dans le texte original.

© Georges FOVEAU – mai 2023

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