Fin des années 80, je débutais ma carrière de journaliste à Paris. J’écrivais beaucoup. Essentiellement des nouvelles. J’étais dévoré par cette fringale de raconter des histoires. Beaucoup d’histoires. Avec beaucoup de mots, mais toujours les meilleurs.
À des fins purement professionnelles – car le Foveau n’est pas joueur – je m’étais acheté un Atari St avec Publishing Partner.
À l’époque, la fiabilité informatique était encore moins ce qu’elle n’est toujours pas. Malgré les sauvegardes régulières, disparaissaient aléatoirement morceaux de phrases, phrases entières, voire tout un paragraphe…
Ou plus !
Et j’ai toujours été incapable de réécrire ce que j’ai déjà écrit.
Incapacité doublée d’une obsession infrangible : toute resucée n’est jamais au niveau de l’évanouie…
Cette pernicieuse certitude s’aiguise de plus de cruauté encore lorsqu’il s’agit d’un tout un texte disparu !
Ainsi, depuis plus de 35 ans, je rêve d’ « une poignée de netsukes », perdue !
Quesaco ?

J’étais alors très ami avec un certain Cyril Hoffstein. Là, pas de soucis. Nous le sommes toujours. Il était passionné de japonaiseries et en particulier de Netsukes. Ces petites sculptures raffinées servent à suspendre à la ceinture du kimono (obi) des objets que nous fourrons, nous, dans nos poches si prosaïques.
Inspiré par la beauté des objets, j’écrivis une nouvelle.
Un affreux richard américain assassinait un vieux Nipon pour lui dérober sa collection de netsukes…
Mais, très anciens et legs d’une lignée de mystiques doués, les objets inanimés avaient une âme et s’animaient pour étriper commanditaire et sbires, façon : « J’irai versé du Kikkoman sur tes tripes » !

J’ai toujours, devant les yeux, des scènes entières de cette courte nouvelle…
Avalée par un Atari ST !
Depuis, je n’ose pas la réécrire, persuadé que je serai forcément au-dessous du premier texte que j’avais tant peaufiné…
Illusion ?
Reste une amère certitude : les lignes disparues nous hantent plus que celles publiées.

Georges FOVEAU – © – Mai 2023
Georges, J’ai perdu comme toi beaucoup de textes. J’ai presque toujours réécrit les textes, après, de mémoire, tout en sachant que ce n’était pas le même qui allait surgir et… tous les résultats sont possibles mais c’est souvent très intéressant. En fait, notre cerveau ne cesse de travailler et il a plutôt tendance à améliorer les choses. Je ne suis pas Toi, oeuf corse, mais je réécrirais cette nouvelle dont le thème me fascine rien qu’en le lisant. J’aimerais lire cette nouvelle, Georges ! Tente le coup ! Bises !
Merci !
Bises.
G.