Brève fiction d’été 2021-02 : « Cigares à Mygale ? Élémentaire… »

C’était la première soirée de cet été.
Le plomb des nuages écrasait l’expiration tiède qui se faufilait par la fenêtre.
Assis à sa table, le quinquagénaire préoccupé égraina quelques amandes, certaines amères, dans son fromage blanc de chèvre, aigrillard. Il marmonna quelque chose, pour lui-même.
À son côté, droit, la toute jeune fille en bout de la petite table grignotait des criquets, grillées au thym et à l’origan.
Craquant sous sa dent, ils décolonisaient ses tagliatelles de courgettes sautées à l’échalote et floconnées de parmesan.
Haussant un sourcil, le bonhomme aux favoris élégants grommela :
– Stanzie, avez-vous récemment croisé ce sympathique furoncle moustachu de Watson ?
– De quoi ?, s’interloqua doucement Stanzie. Elle plongeait dans l’observation du planage d’ange déchu d’une pie, attirée par un quelconque miroitement d’une vitre mal polie…
Agacé de devoir répéter cette question, déjà tournée dix fois dans sa tête avant de l’articuler, le birbe biberonna une gorgée de son amère Indian Pale Ale aux fragrances de gazon matinal et :
– Je vous demande si vous avez récemment croisé ce sympathique furoncle moustachu de Watson ?
– Pourquoi furoncle ?
– Il est bien moustachu, non ? Avec un monocle, non ? Et puis sympathique, non ? Et un rien prétentieux à s’écouter parler, non ?

– Oui, c’est vrai. Oui, récemment. À la boutique de thés de la Mère Mitchell.
– Ah vraiment ? Watson ?
– Oui, vous savez, celle qui a perdu son chat.
– Il venait rechercher le chat ? Avec son talent Sherlock ?
– Non, il venait s’acheter des cigares. Il en avait besoin pour ses expériences.
– Il autopsie des cendres pour une monographie ?
– Non, corrigea Stanzie. Il recherche actuellement un antidote contre le venin de la fausse-mygale. Il prépare une monographie sur le sujet.

– Par Jupiter ! Mais où a-t-il trouvé une fausse-mygale à Londres ?
– Il va au zoo, je crois. Au Vivarium, c’est ça.
– Quelle idée !
– Oui, incongrue, vraiment. Avec mère, nous en avons trouvée une, vivante, dans notre jardin. Ce n’est pas normal sous nos latitudes. Ce n’est absolument pas leur habitat endémique. Les 8 autres étaient mortes. Nous avons appelé Merlin pour la chasser… Mais, après l’avoir longuement regardée, il nous a toisées et s’est assis, en lui tournant le dos comme si nous l’avions vexé.
– Ah vraiment ? Il faut dire aussi : on n’invoque pas un Enchanteur pour chasser une mygale, Stanzie. Fut-elle fausse…
– Merlin, c‘est mon chat. Noir. Il chasse tout. Même les mouches, la nuit. Et là, il cherche la petite bête et se vexe.
– Et si c’était lui qui avait tué les 8 autres ?
– Non, elles étaient dans une des cabanes à oiseau de l’arbre de Judée.
– Comme quoi j’ai bien raison, pontifia le vieux à l’haleine fleurie de houblon.
– De quoi ?, demande Stanzie.
Je n’ai jamais eu aucune confiance dans les oiseaux.

© Georges FOVEAU – Juillet 2021

3 comments

  1. Il semblerait qu’un excès d’entomophagie nuise gravement au sérieux !
    Ce nouvel impromptu, délicieusement absurde, éveille de vagues réminiscences … mais impossible de retrouver ce qu’il m’évoque !
    A croquer tel que, en gardant l’esprit ouvert 😉

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