
« Les Voleurs de Curiosités » (2019) est le premier roman publié en France (février 2021) de la jeune romancière irlandaise Jess Kidd (superbement traduit par Laurent Philibert-Caillat, aux Presses de la Cité).
Sous ses allures de polar historique, cette histoire traque les collectionneurs de Curiosités et leurs sales manies de fétichistes de la monstruosité, fut-elle humaine.
Ce roman est une pure perle de fantastique gothique et victorien, en plein Londres…
Avec une puissance et une sensibilité toute irlandaise.
Jusque dans la racine même de l’histoire, inspirée des vieilles légendes gaéliques sur de redoutables créatures marines.
L’histoire ensorcelle et fascine. Il y a un doute pour l’enquêtrice Bridie Devine, qui aurait pu être médecin en d’autres temps. Mais le lecteur sait dès l’ouverture que toute cette histoire n’est pas raisonnable.
Odeurs frelatées,
émotions fortes
Pleine d’odeurs (pas forcément les bonnes…), de sens affolés et d’esprits tordus ou exaltés, cette description très naturaliste de Londres et de ses habitants tourne le plus souvent au peu ragoutant, quelle que soit leur condition sociale.
Le sordide, la violence, la maladie et la terreur s’insinuent partout et pour tous, puisqu’ils étaient omniprésents à l’époque, dans la plus grande ville d’Europe…
Avec un rien de magie, de temps à autres.
Portraits
qui intriguent
De Bridie Devine à Mme Bibi, gouvernante boiteuse et à l’âme moisie dès le plus jeune âge… De l’ignoble Gideon Eames au résolu docteur Prudo, artiste des mélanges à fumer et à inspirer… De l’inspecteur Rose, fine fleur des cognes, à Ruby Doyle, boxeur décédé, tatoué et aussi indispensable qu’inutile… Et puis… Des vicaires fous aux monstres de foire ou autres patrons de cirque… Sans oublier les déterreurs de cadavres et pas que dans le placard…
La galerie de portraits s’anime autour de drames qui se tissent dans l’urgence ou depuis des décennies…
De vive
voix
Mais c’est encore Jess Kidd qui en parle le mieux…
L’écriture riche de Jess Kidd enveloppe ou malmène, dans l’émotion comme dans la description, dans la tendresse comme dans la révulsion.
Jess Kidd délie une plume digne des plus talentueux conteurs irlandais. Avec tout le mordant du satiriste, en plus…
Ne rater pas ce roman-là !
Ne serait-ce que pour le Londres du XIX° siècle vue par une Irlandaise et toutes ces émotions hautes en couleurs ou pernicieuses, comme l’époque.
Un coup de chapeau à l’imagination, à la virtuosité pour les intrigues et au style, riche et cavalier autant qu’imagé, de Jess Kidd.
Juste une précision : même si vous êtes vous aussi adeptes des audio-livres, choisissez la version papier pour cette fois.
En effet, il n’existe a priori qu’une version audio en exclusivité chez un fournisseur et…
Il y a autant de bugs dans cette version-là qu’il y a de scarabées dans le corsage d’une défunte bucolique de l’histoire…
Dommage pour un si bon et si beau texte.
Donc…
LISEZ !
© Georges FOVEAU – avril 2021
J’en ai l’eau à la bouche ! Pas très fraîche peut-être voire douteuse, mais de l’eau avec suffisamment de saveur pour mettre ce livre sur ma pile des livres à lire.